LES ACTIVITES DE SENSIBILISATIONS
Sensibilisations portant sur la lutte contre les violences faites aux enfants.
Pour sensibiliser les groupes-cibles sur le thème du trafic des enfants, l’équipe de l’ONG Aide et Solidarité a procédé à l’élaboration d’un support de sensibilisation participative qui a été remis aux animateurs du projet.
Ce support a permis d’aborder, de janvier à mars 2010, sur un total variant de 5 à 10 séances selon les localités, grâce à des mises en situations suivies de débats avec la population, les thèmes suivants :
-l’esclavage domestique, les vidomegons.
-les enfants travailleurs migrants
-les enfants talibés
-les mariages forcés et les dots précoces
-le harcèlement sexuel en situation de travail
-la prostitution
Les animateurs ont été dotés d’outils complémentaires (livret sur le droit des enfants et textes de loi sur le trafic des enfants) dans le but de procéder à leur vulgarisation.
Les films «Anna, Bazil et le Trafiquant» ; «Les Inséparables» ; «Stop à la violence et à la maltraitance des enfants» ; «L’anniversaire de Kèmi» et «Les enfants esclaves» ont été fournis aux deux bureaux locaux pour la réalisation de projections.
Finalement, ce sont « Anna, Bazil et le Trafiquant » et les quatre épisodes des Inséparables qui ont été sélectionnés.
Les séances ont été réalisées en 2 fois, sur la place de chacun des villages cibles des 2 communes, sur la période de mars à mai 2010 : le groupe électrogène a pu être loué sur-place, la télé et le lecteur DVD étant transportés au besoin.
Les films étant en français les animateurs les ont traduits scène par scène en langue locale pour que tous les spectateurs puissent suivre.
Ces projections ont été un temps fort du projet, les images servant de support à une meilleure prise de conscience des populations.
Les vidéos choisies, Anna, Bazil et le Trafiquant et les quatre premiers épisodes des Inséparables, se sont particulièrement bien prêtées à l’exercice de la projection/ débat.
Grâce à la traduction en temps réel, les animateurs ont pu ouvrir à un large public la compréhension des histoires présentées.
La monographie que nous avons fait réaliser au mois de septembre 2010 a mis en exergue l’impact de cette activité sur les groupes-cibles. Plusieurs personnes ont témoigné avoir été très touchées.
« La projection de vidéo a fait couler des larmes à plusieurs personnes car on a montré les conditions dans lesquelles nos enfants vivent », explique M.Yarou Maye Laurent, 54 ans, producteur et père de 5 enfants à Sonsoro-Peuhl.
« Les images montrées lors de la sensibilisation sont trop choquantes car beaucoup de personnes ont pleuré. J’ai compris qu’il n’est pas normal que les enfants quittent leurs parents. », renchérit Segosounon Gisèle, mère de 5 enfants à Sinawangourou Bariba.
« Surtout après la projection de vidéo, beaucoup de personnes ont encore mieux compris que le trafic des enfants est une très mauvaise chose », souligne ADIMI Fatouma, 35 ans, résidente de Saah.
Quel changement cela induit-il au niveau des comportements ?
«D’autres ont pris même la décision de ne pas envoyer leurs enfants chez leurs parentés », poursuit Mme Adimi.
« Les sensibilisations faites par le projet ont fait qu’aucun enfant ne quittera plus le village. Les enfants doivent rester au près des parents quoiqu’en soit le degré de misère de ceux-ci », affirme M. DJIGUI Théophile, 44 ans, producteur à Odo-Agbon et père de 6 enfants.
« J’ai décidé de m’organiser pour mieux travailler et supporter mes enfants.Les enfants doivent rester au près de moi quoiqu’en soit les difficultés que je rencontre. », explique AVONFRE Dahounga Raymond, 47 ans marié avec 11 enfants.
A l’issue des projections, des séances festives ont été organisées par les groupes cibles (groupements féminins et associations de parents d’élèves) à l’attention des populations de leurs localités respectives. A cette occasion, les groupes-cibles ont pu témoigner de leur appropriation des mécanismes de lutte contre la traite des enfants et de leur maîtrise des techniques de sensibilisation.
Il est à noter que 16 enfants qui connaissaient une situation de placement, soit 11 enfants de Zadowin et 5 de Gobada ont été rappelés au village par les parents suite à la phase de sensibilisation du projet.
A Zadowin, 2 enfants remis à des tiers contre une somme d’argent sont revenus à leur domicile.
A Kitikpli, en revanche, les résultats sont plus contrastés.
« Le trafic des enfants n’est pas une bonne chose car les enfants sont trop maltraités. Mais on n’y peut rien car nous avons déjà par malheur fait beaucoup d’enfants et on ne peut pas les garder tous. Dans ce village, il y a au moins 30 enfants qui se trouvent actuellement placés à Cotonou.», dit M.Aikpon Richard, père de 5 enfants. « On n’a pas de moyens dans le village pour satisfaire les besoins de tous les enfants. Dès que la durée qu’ils doivent faire finira, on ira les chercher ».
2. Sensibilisations sur la protection maternelle et infantile et la planification familiale
A l’origine, le projet prévoyait la création d’unités mobiles de conseil mère-enfant qui travailleraient en lien avec les centres de santé pour réaliser des activités de prévention auprès des femmes enceintes et des parents d’enfants en bas âge.
Mais nous nous sommes heurtés, au cours du projet, à plusieurs difficultés qui nous ont conduits à modifier cette approche.
D’une part, le manque de collaboration de certains centres de santé posait problème pour la réalisation des sensibilisations au sein même des structures.
D’autre part, nous avons jugé que nous travaillions déjà sur le terrain avec un nombre suffisamment important de groupements et d’associations sans nous éparpiller encore dans la recherche de nouveaux groupes-cibles, au risque de trop surcharger le planning des animateurs.
Les sensibilisations en protection maternelle et infantile et en planification familiale ont donc été réalisées par les animateurs dans le cadre de leurs activités auprès des 50 groupes-cibles (GF et APE), au sein d’échanges impliquant tout à la fois les hommes et les femmes et portant le plus souvent sur une réflexion transversale par rapport à la parentalité.
L’impact des sensibilisations en planification familiale auprès de ceux qui les ont suivies est ressorti lors de l’enquête d’évaluation que nous avons menée auprès des groupes-cibles.
Il est intéressant de noter que ce thème est abordé spontanément par les hommes comme par les femmes en réponse aux questions : En quoi le projet a-t-il fait évoluer votre opinion ? Quelles résolutions avez-vous prises ? Qu’avez-vous appris ?
Ainsi le témoignage de M. Seidou Adam, 42, producteur à Saah (commune de Kandi) et père de 7 enfants :
« Le projet a aidé beaucoup de personnes à changer de comportement surtout dans le cadre de la scolarisation des enfants; les parents ont compris qu’il faut mettre leurs enfants à l’école et qu’il faut réduire les naissances. C’est lorsqu’on dispose beaucoup d’enfants qu’on cherche à les placer car on n’arrive plus à les supporter »
« Le projet nous a sensibilisés sur le mariage précoce et forcé, et sur la réduction des naissances en fonction des moyens dont on dispose », précise M.Djigui Théophile, 44 ans, producteur à Odo-Agbon (commune de Savalou) et père de 6 enfants.
« J’ai retenu l’esprit de garder mes enfants à mes côtés et l’arrêt de la procréation », confirme M. Aiko Michel, 35 ans, originaire du même village et père de 10 enfants.
« Les femmes doivent accoucher désormais à l’hôpital », commente de son côté M. Avonfre Dahounga Raymond ,47 ans, maître alphabétiseur à Doumè, commune de Savalou.
Interrogées, les femmes font des constats similaires :
« En ce qui me concerne, j’ai compris que c’est à cause de la misère que les enfants sont souvent placés parce qu’on arrive plus à les supporter donc je dois m’arrêter sur mes trois enfants. Je dois redoubler d’effort avec mon mari pour que nos enfants puissent rester avec nous. », explique Ahossi Julienne, mère de trois enfants.
« Je vais m’arrêter sur le nombre d’enfant que je dispose actuellement pour pouvoir mieux s’occuper d’eux et ne pas les envoyer chez une tiers personne », explique Tomondjo Béatrice, 28 ans mariée et mère de 6 enfants, résidente de Lama (commune de Savalou).
Ces témoignages montrent que les groupes-cibles ont été sensibles à une certaine manière de réfléchir la planification familiale.
Très souvent, ç’a été au cours de débats et de discussions qu’ils en sont arrivés collectivement à ces conclusions :
-Traditionnellement, avoir beaucoup d’enfants est un signe de chance et de prospérité, une fierté pour le couple.
-Mais avoir un enfant aujourd’hui représente une charge financière importante, car le tout n’est pas de le mettre au monde mais encore de prendre en charge ses besoins alimentaires, ses problèmes de santé et sa scolarité. Les parents doivent s’adapter à ces réalités faute de se retrouver incapables de faire face aux dépenses qui se présentent à eux une fois à la tête d’une grande famille.
-Par conséquent, c’est à chaque couple de prévoir en fonction de ses ressources le nombre d’enfants qu’il pourra prendre en charge et d’ajuster sa planification familiale en fonction de ses moyens.
Au cours des échanges, il a été intéressant de noter les conseils des anciens qui ont expérimenté les avantages et les inconvénients d’être à la tête de très grandes familles (plusieurs femmes et plus de dix enfants). Ces personnes qui ont vu se produire les modifications structurelles de l’organisation sociale survenues au cours des 30 dernières années sont peut-être les mieux placées pour expliquer à la jeune génération en quoi les habitudes de vie doivent pouvoir s’adapter à un contexte social et économique qui est très différent de ce qu’il était à leur époque.
Même si les Comités de Protection Maternelle et Infantile n’ont pas été constitués en tant que tels, les GF et les APE formés dans le cadre du projet ont bien compris le rôle de sensibilisation qu’ils ont désormais en matière de protection de l’enfance dans un sens transversal.
C’est tout l’intérêt d’une approche globale, recouvrant tout à la fois les questions du trafic, de la maltraitance, des mariages forcés, des droits des enfants, de la planification familiale, de la prise en charge du jeune enfant, et la recherche de solutions pour améliorer la situation des O.E.V.